Pour Jaurès, lutter pour la paix c'est lutter pour le socialisme

Publié le par Jacobin

La sortie de "Actualité de Jean Jaurès" a été l'occasion d'une réunion au Café du Croissant, pour y entendre la présentation de cet ouvrage par l'auteur, Georges Hoffmann. Diverses contributions au débat ont été présentées par plusieurs participants. D'autres n'ont pu l'être faute de temps. Le débat va donc se poursuivre en vue de clarifier ce que veut dire être socialiste aujourd'hui, face à des questions précises.

A la base de la pensée de Jaurès, quoique en ait dit M. Sarkozy, il y a la constatation que la lutte des classes est une réalité permanente et que c'est elle qui met la paix en danger. Que nous dit-il dans son fameux discours sur le capitalisme et la guerre? «  Tant que, dans chaque nation, une classe restreinte d'hommes possèdera les grands moyens de production et d'échange, ...tant que cette classe pourra imposer aux sociétés qu'elle domine sa propre loi, qui est la concurrence illimitée, la lutte incessante pour la vie, … tant que cela sera, toujours cette politique économique et sociale des classes entre elles...suscitera les guerres armées entre les peuples. »

« Il n’y a qu’un moyen d’abolir la guerre entre les peuples, c’est abolir la guerre économique... »

Il est normal de se demander si cette conception reste toujours exacte aujourd'hui, après plus d'un demi-siècle sans guerre pour nous. On peut se poser la question de savoir si l'Union Européenne, qu'on nous présente souvent comme une garantie de paix, n'est pas un désaveu de la position de Jaurès. En effet elle n'a pas effacé l'appropriation privée des moyens de production et d'échanges, ni les classes, ni la lutte des classes. A-t-elle changé la loi d'airain du système, la loi de la concurrence illimitée? Poser la question c'est y répondre. Le capitalisme serait-il « le dernier mot » de nos sociétés? Jaurès se serait-il trompé, comme beaucoup le pensent? Quant à nous, nous pensons que la position de Jaurès reste juste aujourd'hui.

Chacun sait que la loi de l'UE c'est bien la concurrence libre et non faussée, imposée à chaque nation contre ses entreprises et contre tous ses services publics. En fait c'est une alliance des gouvernements qui a été scélée par le Traité de Maastricht. Elle a mis au centre de l'UE l'obligation pour chaque gouvernement de mettre en place la concurrence dans son propre pays, c'est à dire la privatisation des services publics et les délocalisations des entreprises privées. L'UE, c'est un traité économique, ce n'est pas l'Europe des peuples.

Les services publics, c'étaient les services qui n'obéissaient pas aux critères de rentabilité, puisque leur coût était peréqué et payé par les impôts de la République et que cela avait pour objectif de permettre un égal accés à ces services pour tous les citoyens, qu'ils soient dans une grande ville ou dans une campagne isolée, un prix du timbre unique, un prix du Kwh unique, un prix du km de voyage en train unique sur tout le territoire, une école gratuite, etc. En ce sens ils étaient (ils restent encore en partie, mais ils sont menacés) une conquète des travailleurs de ce pays, que la République mettait en oeuvre. C'est en ce sens que la défense des services publics (la Poste, l'école, les hôpitaux, les services territoriaux et nationaux) est un enjeu de justice de la lutte des classes. Que l'on oublie la lutte des classes, que l'on raisonne en gestionnaires, et on perd les services publics au profit du privé, auquel chacun accèdera selon ses moyens et non plus selon ses besoins. Que l'on parle de « post-capitalisme » ou d' « horizon indépassable du capitalisme », et l'on abandonne la lutte des classes, et de fait Jaurès, même si on s'en réclame !

Certes, la guerre a été évitée, du moins en Europe. Du moins si on considère que la Yougoslavie n'était pas en Europe! Mais n'a-t-elle pas été reportée ailleurs sur la planète? Avons-nous connu un jour de paix totale dans le monde? N'a-t-on pas dit que le coût réel de la dernière crise financière, le gâchis et la destruction de valeurs qu'elle a provoqués, étaient l'équivalent du dernier conflit mondial? Qui va payer, supporter le chômage? Qui va supporter les augmentations d'impôts et des coûts de tous les services privatisés? Qui va payer pour réduire le déficit public comme la Commission Européenne l'exige, en dictant la conduite des pays lorsqu'elle dit, la semaine dernière encore : il faut réduire les dépenses de santé et celles des collectivités locales? C'est en ce sens que la lutte des classes perdure et que le système continue à porter en lui-même la guerre comme la nuée porte l'orage et que cette guerre est supportée par les travailleurs européens.

Que signifie en effet la dévaluation continuelle du dollar sinon une agression contre les productions des autres pays, dont l'Europe, et l'obligation pour ces derniers d'abaisser encore et toujours le coût du travail? De continuer à s'attaquer au niveau de vie des populations européennes? C'est « moins pire » que la guerre? C'est une autre guerre où les pertes sont plus diffuses et plus lentes et peut être moins violente.

Et peut-on se réjouir d'une paix qui laisse actuellement 10 milliards d'hommes en proie à la sous-alimentation et à la faim alors que l'UE et les instances internationales ne pensent qu'à limiter la production alimentaire? Trop de produits, pas assez d'acheteurs solvables, c'est toujours le même problème depuis un siècle...(à suivre)

Publié dans Défense du socialisme

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