Peut-on accepter l’éclatement programmé de la République?

Publié le par Jacobin


Acte III de la décentralisation, régionalisation, métropoles européennes (Grand Paris, Grand Lyon, Grand Marseille...), communautés d’agglomérations, intercommunalités forcées : ces questions sont au centre des débats.
Certains d’entre nous ont été convaincus, de bonne foi,  que la décentralisation permettrait de rapprocher les services publics des citoyens. Mais s’agit-il de cela aujourd’hui? Cet espoir n’a-t-il pas été utilisé pour faire tout autre chose?
Ecoutons ce qu’en disent de plus en plus d’élus socialistes.  Ainsi Philippe Biès, (page 3) député socialiste alsacien déclare dans une lettre à Mme Lebranchu que la volonté affichée de réduire le mille-feuille des structures administratives a fini par aboutir à son contraire. Le véritable enjeu, qui consiste pour les grands élus à repousser toujours plus loin les limites de leur pouvoir, a fini par éclater au grand jour. Mais est-ce seulement le cas en Alsace?
A Lyon, n’est-ce pas la même question qui se pose, avec la destruction concommittante de départements, de communes et de communautés de communes ?
On pourrait à loisir multiplier les exemples de communautés d’agglomération cherchant à s’étendre toujours plus loin, parfois au-delà de leur département, au nom de prétendues cohérences territoriales qui n’ont rien à voir avec la démocratie.
Les schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) ont été concoctés par des instances  autoritaires dans les mains des Préfets.
Jean Bartholin, conseiller général PS de la Loire ne dit pas autre chose lorsqu’il déclare à Informations Ouvrières : “(il faut éradiquer) cette loi de décembre 2010 qui a confié aux Préfets des pouvoirs exceptionnels et introduit des mécanismes pervers qui vont à l’encontre de la démocratie”.
Gérard Schivardi cité par L’Indépendant souligne :"(Cette loi) contraint les communes à de vastes regroupements, leur confisquant leurs compétences et les moyens financiers qui sont les leurs, éloignant de plus en plus les élus de leurs électeurs, constituant de vastes marchés où ce sont les intérêts de grosses entreprises, comme Bouygues ou Veolia, qui prendront le pas sur les besoins de la population"
Il est frappant de constater en effet que ces démarches d’annexions ont été menées de pair avec la volonté de privatiser les services publics et de s’affranchir du Code du travail tant en Alsace que pour le Grand Lyon. Chaque Région, voire chaque communauté urbaine espère conquérir assez d’autonomie pour attirer par tous les moyens les entreprises dans son aire géographique.
D’un côté de véritables baronnies tentent de s’instaurer, faisant fi des limites départementales et même nationales (des ambitions sont exprimées en direction de la Bavière, de la Savoie italienne, des pays basque et catalan...). D’un autre, ces vastes projets, loin de promettre une meilleure desserte des populations, concentrent leurs moyens sur des pôles de compétitivité censés donner l’avantage économique sur les autres régions.
En ce sens, la réforme Peillon, qui veut faire entrer les chefs d’entreprises à l’école dès 2013, confie le service de l'orientation aux Régions pour servir la compétitivité  des entreprises régionales. Grâce à ces formations à la carte, l’école républicaine égale pour tous serait régionalisée, particularisée et allégée au profit d’activités péri-scolaires laissées à la charge des communes.
Les “vieilles” instances démocratiques héritières de la Révolution, communes, cantons, départements, construites pour exprimer les besoins de la population, subissent, pour servir les entreprises, un saccage dont le résultat ne peut être que l’abandon des services publics et la captation du pouvoir par  une poignée de grands élus aux ordres du patronat.
C’est ainsi que la réforme des collectivités territoriales met gravement en danger l’unité de la République et des droits qui lui sont attachés. Alors que, depuis Jaurès, pour les socialistes, la République a toujours été liée avec le socialisme : “C’est parce que je suis socialiste que je suis républicain. Sans la République, le socialisme est impuissant. Sans le socialisme, la République est vide”, écrivait-il. Cette leçon est-elle à mettre aux poubelles de l’histoire?                                                                                                                                                                           Aimé SAVY

Publié dans Défense des communes

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